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derniers mots et dernier soupir.

— Pourrais-tu dire, demanda le jeune officier, en quel endroit nous sommes ?

— Au juste, non, répondit Mars, à moins que ce ne soit cette lagune qu’on appelle la Crique-Noire. Pourtant, je croyais, comme tous les gens du pays, qu’il était impossible d’y pénétrer et qu’elle n’avait aucune communication avec le Saint-John.

— Est-ce qu’il n’existait pas autrefois, dans cette crique, un fortin élevé contre les Séminoles ?

— Oui, monsieur Gilbert. Mais, depuis bien des années déjà, l’entrée de la crique s’est fermée sur le fleuve, et le fortin a été abandonné. Pour mon compte, je n’y suis jamais allé, et, maintenant, il ne doit plus en rester que des ruines.

— Essayons de l’atteindre, dit Gilbert.

— Essayons, répondit Mars, quoique ce soit probablement bien difficile. L’eau ne tardera pas à disparaître, et le marécage ne nous offrira pas un sol assez résistant pour y marcher.

— Évidemment, Mars. Aussi, tant qu’il y aura assez d’eau, devrons-nous rester dans l’embarcation.

— Ne perdons pas un instant, monsieur Gilbert. Il est déjà trois heures, et la nuit viendra vite sous ces arbres. »

C’était la Crique-Noire, en effet, dans laquelle Gilbert et Mars venaient de pénétrer, grâce à ce coup de gaffe, qui avait lancé leur embarcation à travers la barrière de roseaux. On le sait, cette lagune n’était praticable que pour de légers squifs, semblables à celui dont se servait habituellement Squambô, lorsque son maître ou lui s’aventurait sur le cours du Saint-John. D’ailleurs, pour arriver au blockhaus, situé vers le milieu de cette crique, à travers l’inextricable lacis des îlots et des passes, il fallait être familiarisé avec leurs mille détours, et, depuis de longues années, personne ne s’y était jamais hasardé. On ne croyait même plus à l’existence du fortin. De là, sécurité complète pour l’étrange et malfaisant personnage qui en avait fait son repaire habituel. De là, le mystère absolu qui entourait l’existence privée de Texar.