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derniers mots et dernier soupir.

Ce fut fait en un instant. L’embarcation ayant été solidement attachée à la berge, Gilbert et Mars sautèrent sur l’îlot et s’enfoncèrent sous les arbres.

Là, encore, il y avait quelques traces sur des sentes frayées à travers la futaie, même des pas d’hommes, dont les dernières lueurs du jour laissaient apercevoir l’empreinte.

De temps en temps, Mars et Gilbert s’arrêtaient. Ils écoutaient. Les plaintes se faisaient-elles encore entendre ? C’était sur elles, sur elles seules, qu’ils pouvaient se guider.

Tous deux les entendirent de nouveau, très rapprochées cette fois. Malgré l’obscurité qui devenait de plus en plus profonde, il ne serait sans doute pas impossible d’arriver à l’endroit d’où elles partaient.

Soudain un cri plus douloureux retentit. Il n’y avait pas à se tromper sur la direction à suivre. En quelques pas, Gilbert et Mars eurent franchi un épais hallier, et ils se trouvèrent en présence d’un homme, étendu près d’une palissade, qui râlait déjà.

Frappé d’un coup de couteau à la poitrine, un flot de sang inondait ce malheureux. Les derniers souffles s’exhalaient de ses lèvres. Il n’avait plus que quelques instants à vivre.

Gilbert et Mars s’étaient penchés sur lui. Il rouvrit les yeux, mais essaya vainement de répondre aux questions qui lui furent faites.

« Il faut le voir, cet homme ! s’écria Gilbert. Une torche… une branche enflammée ! »

Mars avait déjà arraché la branche d’un des arbres résineux qui poussaient en grand nombre sur l’îlot. Il l’enflamma au moyen d’une allumette, et sa lueur fuligineuse jeta quelque clarté dans l’ombre.

Gilbert s’agenouilla près du mourant. C’était un noir, un esclave, jeune encore. Sa chemise écartée laissait voir un trou béant à sa poitrine dont le sang s’échappait. La blessure devait être mortelle, le coup de couteau ayant traversé le poumon.

« Qui es-tu ?… Qui es-tu ? » demanda Gilbert.

Nulle réponse.

« Qui t’a frappé ? »