Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/137

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— Je n’ai pas besoin de toi.

— On a toujours besoin d’un homme vigoureux, et si, pour vous prouver ma force, vous voulez m’essayer avec trois ou quatre des plus solides gaillards de votre équipage, je suis prêt !

— Comme tu y vas ! répondit James Playfair. Et comment te nommes-tu ?

— Crockston, pour vous servir. »

Le capitaine fit quelques pas en arrière, afin de mieux examiner cet hercule qui se présentait à lui d’une façon aussi « carrée ». La tournure, la taille, l’aspect du matelot ne démentaient point ses prétentions à la vigueur. On sentait qu’il devait être d’une force peu commune, et qu’il n’avait pas froid aux yeux.

« Où as-tu navigué ? lui demanda Playfair.

— Un peu partout.

— Et tu sais ce que le Delphin va faire là-bas ?

— Oui, et c’est ce qui me tente.

— Eh bien, Dieu me damne, si je laisse échapper un gaillard de ta trempe ! Va trouver le second, Mr. Mathew, et fais-toi inscrire. »

Après avoir prononcé ces paroles, James Playfair s’attendait à voir son homme tourner les talons et courir à l’avant du navire ; mais il se trompait. Crockston ne bougea pas.

« Eh bien, m’as-tu entendu ? demanda le capitaine.

— Oui, répondit le matelot. Mais ce n’est pas tout, j’ai encore quelque chose à vous proposer.

— Ah ! tu m’ennuies, répondit brusquement James, je n’ai pas de temps à perdre en conversations.

— Je ne vous ennuierai pas longtemps, reprit Crockston. Deux mots encore, et c’est tout. Je vais vous dire. J’ai un neveu.

— Il a un joli oncle, ce neveu-là, répondit James Playfair.

— Eh ! eh ! fit Crockston.

— En finiras-tu ? demanda le capitaine avec une forte impatience.

— Eh bien, voilà la chose. Quand on prend l’oncle, on s’arrange du neveu par-dessus le marché.

— Ah ! vraiment !

— Oui ! c’est l’habitude. L’un ne va pas sans l’autre.

— Et qu’est-ce que c’est que ton neveu ?

— Un garçon de quinze ans, un novice auquel j’apprends le métier. C’est plein de bonne volonté, et ça fera un solide marin un jour.

— Ah çà, maître Crockston, s’écria James Playfair, est-ce que tu prends le Delphin pour une école de mousses ?

— Ne disons pas de mal des mousses, repartit le marin. Il y en a un qui est devenu l’amiral Nelson, et un autre l’amiral Franklin.

— Eh parbleu ! l’ami, répondit James Playfair, tu as une manière de