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d’Angleterre, et il évoluait avec une merveilleuse rapidité dans les passes.

Lorsqu’il eut laissé sur tribord la bouée de la Quarantaine, il s’avança librement au milieu des eaux de la baie. Miss Halliburtt était debout sur la dunette, considérant cette ville où son père était retenu prisonnier, et ses yeux se remplissaient de larmes.

Enfin, l’allure du steamer fut modérée sur l’ordre du capitaine ; le Delphin rangea à la pointe les batteries du sud et de l’est, et bientôt il fut amarré à quai dans le North-Commercial wharf.


VII

un général sudiste.


Le Delphin, en arrivant aux quais de Charleston, avait été salué par les hurrahs d’une foule nombreuse. Les habitants de cette ville, étroitement bloquée par mer, n’étaient pas accoutumés aux visites de navires européens. Ils se demandaient, non sans étonnement, ce que venait faire dans leurs eaux ce grand steamer portant fièrement à sa corne le pavillon d’Angleterre. Mais quand on sut le but de son voyage, pourquoi il venait de forcer les passes de Sullivan, lorsque le bruit se répandit qu’il renfermait dans ses flancs toute une cargaison de contrebande de guerre, les applaudissements et les cris de joie redoublèrent d’intensité.

James Playfair, sans perdre un instant, se mit en rapport avec le général Beauregard, commandant militaire de la ville. Celui-ci reçut avec empressement le jeune capitaine du Delphin, qui arrivait fort à propos pour donner à ses soldats les habillements et les munitions dont ils avaient le plus grand besoin. Il fut donc convenu que le déchargement du navire se ferait immédiatement, et des bras nombreux vinrent en aide aux matelots anglais.

Avant de quitter son bord, James Playfair avait reçu de miss Halliburtt les plus pressantes recommandations au sujet de son père. Le jeune capitaine s’était mis tout entier au service de la jeune fille.

« Miss Jenny, avait-il dit, vous pouvez compter sur moi ; je ferai l’impossible pour sauver votre père, mais j’espère que cette affaire ne présentera pas de difficultés ; j’irai voir le général Beauregard aujourd’hui même, et, sans lui demander brusquement la liberté de Mr. Halliburtt, je saurai de lui dans quelle situation il se trouve, s’il est libre sur parole ou prisonnier.

— Mon pauvre père ! répondit en soupirant Jenny, il ne sait pas sa fille si près de lui. Que ne puis-je voler dans ses bras !

— Un peu de patience, miss Jenny. Bientôt vous embrasserez votre