Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/346

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
aventures

promenés au milieu d’un immense pâturage, à travers des prairies verdoyantes, coupées çà et là de forêts et de taillis. Quant aux animaux féroces, en disposant des brasiers allumés pendant la nuit, on les avait tenus à distance des campements. Pour les indigènes, c’étaient ces tribus sédentaires des bourgades et des villages chez lesquelles le docteur David Livingstone trouva presque toujours un accueil hospitalier. Pendant ce voyage, les Bochjesmen n’avaient donc eu aucun motif de se plaindre. Le 20 février, les Russes atteignirent le Scorzef, et ils y étaient établis depuis trente-six heures, quand les Makololos parurent dans la plaine au nombre de trois ou quatre cents. Aussitôt, les Bochjesmen, effrayés, abandonnèrent leur poste et laissèrent les Russes livrés à eux-mêmes. Les Makololos commencèrent par piller les chariots réunis au pied du mont ; mais très heureusement les instruments avaient été tout d’abord transportés dans le fortin. En outre, la chaloupe à vapeur était intacte jusqu’ici, car les Russes avaient eu le temps de la reconstruire avant l’arrivée des pillards, et en ce moment elle était mouillée dans une petite anse du Ngami. De ce côté, les flancs du mont tombaient à pic sur la rive droite du lac et la rendaient inaccessible. Mais au sud, le Scorzef offrait des pentes praticables, et dans cet assaut qu’ils venaient de tenter, les Makololos auraient peut-être réussi à s’élever jusqu’au fortin sans la providentielle arrivée des Anglais.

Tel fut sommairement le récit de Mathieu Strux. Le colonel Everest lui apprit, à son tour, les incidents qui avaient marqué sa marche vers le nord, les souffrances et les fatigues de l’expédition, la révolte des Bochjesmen, les difficultés et les obstacles qu’on avait dû surmonter. De tout ceci, il résultait que les Russes avaient été plus favorisés que les Anglais depuis leur départ de Kolobeng.

La nuit du 21 au 22 février se passa sans incidents. Le bushman et les marins avaient veillé au pied des murailles du fortin. Les Makololos ne renouvelèrent pas leurs attaques. Mais quelques feux, allumés au pied de la montagne, prouvaient que ces bandits bivaquaient toujours à cette place, et qu’ils n’avaient point abandonné leur projet.

Le lendemain, 22 février, au lever du jour, les Européens, quittant leur casemate, vinrent observer la plaine. Les premières lueurs matinales éclairèrent presque d’un seul coup ce vaste territoire jusqu’aux limites de l’horizon. Du côté du sud, c’était le désert avec son sol jaunâtre, ses herbes brûlées, son aspect aride. Au pied du mont s’arrondissait le campement au milieu duquel fourmillaient quatre à cinq cents indigènes. Leurs feux brûlaient encore. Quelques morceaux de venaison grillaient sur des charbons ardents. Il était évident que les Makololos ne voulaient pas abandonner la