Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/45

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quartier, sa rue, sa maison qui se déplacent, et il est chez lui. Le Français au contraire a toujours l’air de voyager, — quand il voyage.

Ceux-là, me dit-il, ce sont les gens du Far-West.

Lorsque le temps le permettait, la foule affluait sur les boulevards. Tous ces promeneurs, qui tenaient leur perpendiculaire malgré les inclinaisons du roulis, avaient l’air d’hommes ivres, chez lesquels l’ivresse eût provoqué au même moment les mêmes allures. Quand les passagères ne montaient pas sur le pont, elles restaient soit dans leur salon particulier, soit dans le grand salon. On entendait alors les tapageuses harmonies qui s’échappaient des pianos. Il faut dire que ces instruments, « très-houleux », comme la mer, n’eussent pas permis au talent d’un Litz de s’exercer purement. Les basses manquaient quand ils se portaient sur bâbord, et les hautes, quand ils penchaient sur tribord. De là des trous dans l’harmonie ou des vides dans la mélodie, dont ces oreilles saxonnes ne se préoccupaient