Page:Verne - Vingt mille lieues sous les mers.djvu/174

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récolte prit une grande partie de notre temps, que, d’ailleurs, il n’y avait pas lieu de regretter.

Conseil observait toujours Ned. Le harponneur marchait en avant, et, pendant sa promenade à travers la forêt, il glanait d’une main sûre d’excellents fruits qui devaient compléter sa provision.

« Enfin, demanda Conseil, il ne vous manque plus rien, ami Ned ?

— Hum ! fit le Canadien.

— Quoi ! vous vous plaignez ?

— Tous ces végétaux ne peuvent constituer un repas, répondit Ned. C’est la fin d’un repas, c’est un dessert. Mais le potage ? mais le rôti ?

— En effet, dis-je, Ned nous avait promis des côtelettes qui me semblent fort problématiques.

— Monsieur, répondit le Canadien, non seulement la chasse n’est pas finie, mais elle n’est même pas commencée. Patience ! Nous finirons bien par rencontrer quelque animal de plume ou de poil, et, si ce n’est pas en cet endroit, ce sera dans un autre…

— Et si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, ajouta Conseil, car il ne faut pas trop s’éloigner. Je propose même de revenir au canot.

— Quoi ! déjà ! s’écria Ned.

— Nous devons être de retour avant la nuit, dis-je.

— Mais quelle heure est-il donc ? demanda le Canadien.

— Deux heures, au moins, répondit Conseil.

— Comme le temps passe sur ce sol ferme ! s’écria maître Ned Land avec un soupir de regret.

— En route », répondit Conseil.

Nous revînmes donc à travers la forêt, et nous complétâmes notre récolte en faisant une razzia de choux-palmistes qu’il fallut cueillir à la cime des arbres, de petits haricots que je reconnus pour être les « abrou » des Malais, et d’ignames d’une qualité supérieure.

Nous étions surchargés quand nous arrivâmes au canot. Cependant, Ned Land ne trouvait pas encore sa provision suffisante. Mais le sort le favorisa. Au moment de s’embarquer, il aperçut plusieurs arbres, hauts de vingt-cinq à trente pieds, qui appartenaient à l’espèce des palmiers. Ces arbres, aussi précieux que l’artocarpus, sont justement comptés parmi les plus utiles produits de la Malaisie.

C’étaient des sagoutiers, végétaux qui croissent sans culture, se reproduisant, comme les mûriers, par leurs rejetons et leurs graines.

Ned Land connaissait la manière de traiter ces arbres. Il prit sa hache, et la maniant avec une grande vigueur, il eut bientôt couché sur le sol