— Oh ! je ne prétends point m’y précipiter la tête la première. Mais si les océans ne sont, à proprement parler, que des lacs, puisqu’ils sont entourés de terre, à plus forte raison cette mer intérieure se trouve-t-elle circonscrite par le massif granitique.
— Cela n’est pas douteux.
— Eh bien ! sur les rivages opposés, je suis certain de trouver de nouvelles issues.
— Quelle longueur supposez-vous donc à cet océan ?
— Trente ou quarante lieues.
— Ah ! fis-je, tout en imaginant que cette estime pouvait bien être inexacte.
— Ainsi nous n’avons pas de temps à perdre, et dès demain nous prendrons la mer. »
Involontairement je cherchai des yeux le navire qui devait nous transporter.
« Ah ! dis-je, nous nous embarquerons. Bien ! Et sur quel bâtiment prendrons-nous passage ?
— Ce ne sera pas sur un bâtiment, mon garçon, mais sur un bon et solide radeau.
— Un radeau ! m’écriai-je. Un radeau est aussi impossible à construire qu’un navire, et je ne vois pas…
— Tu ne vois pas, Axel, mais si tu écoutais, tu pourrais entendre !
— Entendre ?
— Oui, certains coups de marteau qui t’apprendraient que Hans est déjà à l’œuvre.
— Il construit un radeau ?
— Oui.
— Comment ! il a déjà fait tomber des arbres sous sa hache ?
— Oh ! les arbres étaient tout abattus. Viens, et tu le verras à l’ouvrage. »
Après un quart d’heure de marche, de l’autre côté du promontoire qui formait le petit port naturel, j’aperçus Hans au travail. Quelques pas encore, et je fus près de lui. À ma grande surprise, un radeau à demi terminé s’étendait sur le sable ; il était fait de poutres d’un bois particulier, et un grand nombre de madriers, de courbes, de couples de toute espèce, jonchaient littéralement le sol. Il y avait là de quoi construire une marine entière.
« Mon oncle, m’écriai-je, quel est ce bois ?
— C’est du pin, du sapin, du bouleau, toutes les espèces des conifères du Nord, minéralisées sous l’action des eaux de la mer.
— Est-il possible ?