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à la lumière du grand jour. Près de lui se rencontrèrent des haches de pierre et des silex taillés, colorés et revêtus par le temps d’une patine uniforme.

Le bruit de cette découverte fut grand, non-seulement en France, mais en Angleterre et en Allemagne. Plusieurs savants de l’Institut français, entre autres MM. Milne-Edwards et de Quatrefages, prirent l’affaire à cœur, démontrèrent l’incontestable authenticité de l’ossement en question, et se firent les plus ardents défenseurs de ce « procès de la mâchoire, » suivant l’expression anglaise.

Aux géologues du Royaume-Uni qui tinrent le fait pour certain, MM. Falconer, Busk, Carpenter, etc., se joignirent des savants de l’Allemagne, et parmi eux, au premier rang, le plus fougueux, le plus enthousiaste, mon oncle Lidenbrock.

L’authenticité d’un fossile humain de l’époque quaternaire semblait donc incontestablement démontrée et admise.

Ce système, il est vrai, avait eu un adversaire acharné dans M. Élie de Beaumont. Ce savant de si haute autorité soutenait que le terrain de Moulin-Quignon n’appartenait pas au « diluvium », mais à une couche moins ancienne, et, d’accord en cela avec Cuvier, il n’admettait pas que l’espèce humaine eût été contemporaine des animaux de l’époque quaternaire.

Mon oncle Lidenbrock, de concert avec la grande majorité des géologues, avait tenu bon, disputé, discuté, et M. Élie de Beaumont était resté à peu près seul de son parti.

Nous connaissions tous ces détails de l’affaire, mais nous ignorions que, depuis notre départ, la question avait fait des progrès nouveaux. D’autres mâchoires identiques, quoique appartenant à des individus de types divers et de nations différentes, furent trouvées dans les terres meubles et grises de certaines grottes, en France, en Suisse, en Belgique, ainsi que des armes, des ustensiles, des outils, des ossements d’enfants, d’adolescents, d’hommes, de vieillards. L’existence de l’homme quaternaire s’affirmait donc chaque jour davantage.

Et ce n’était pas tout. Des débris nouveaux exhumés du terrain tertiaire pliocène avaient permis à des savants plus audacieux encore d’assigner une plus haute antiquité à la race humaine. Ces débris, il est vrai, n’étaient point des ossements de l’homme, mais seulement des objets de son industrie, des tibias, des fémurs d’animaux fossiles, striés régulièrement, sculptés pour ainsi dire, et qui portaient la marque d’un travail humain.

Ainsi, d’un bond, l’homme remontait l’échelle des temps d’un grand nombre de siècles ; il précédait le mastodonte ; il devenait le contemporain de « l’elephas meridionalis » ; il avait cent mille ans d’existence, puisque c’est la date assignée par les géologues les plus renommés à la formation du terrain pliocène !