Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans doute, le temps, qui finit par tout détruire, a ébranlé quelques-unes des bases où Leconte de Lisle s’est appuyé avec le plus de confiance. Ainsi, pour faire revivre, dans sa Néférou-Ra, l’époque la plus glorieuse de l’histoire égyptienne, il s’est inspiré d’un document, qu’il croyait, avec tout le monde en son temps, contemporain des grands Ramsès, mais qui est, on le sait aujourd’hui, un faux fabriqué à une époque bien postérieure. Pour exposer dans son Massacre de Mona les traditions des druides, il s’est fié sur certains points à des Triades, dont la rédaction n’est pas reconnue aujourd’hui antérieure à la fin du moyen âge, et, sur le témoignage d’Henri Martin et de La Villemarqué, il a fait dire par un barde contemporain des premiers temps du christianisme la gloire d’un certain Hu-Gadarn, dont personne n’avait jamais entendu parler à l’époque où ce barde est censé vivre.

Il faut avouer aussi que le poète n’a pas toujours fait de ses documents un usage irréprochable.

On sera étonné de voir qu’il sacrifie çà et là à la rime l’exactitude des noms, et celle des chiffres à la mesure du vers : ayant besoin d’une rime en ez, il transporte de Médina à Xérez la prison de la reine Blanche ; voulant un mot qui rime avec parasol, il incline vers le sol la tête des prêtres qui portent le dieu Khons et que le monument dont il s’inspire nous représente la tête haute ; il ne met que vingt nomes en Égypte où il n’y en eut jamais moins de trente-six ; il donne deux frères à Djihan-Arâ qui en avait trois, seize ans à la reine Blanche quand elle en avait dix-sept accomplis.