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Non ! le rêve avait fermé nos yeux. — Pendant que Rama « purifiait » la terre, ni les uns ni les autres ne l’ont donc aperçu, et le héros de Leconte de Lisle devient ainsi, comme un héros de Vigny, la personnification du génie, accomplissant son œuvre auguste au milieu de l’indifférence générale, à l’insu du peuple et des prétendus sages. Si elle a perdu entre les mains du poète français beaucoup de son pathétique, la légende de Rama en a reçu en revanche un sens symbolique fort intéressant.

D’ailleurs, il n’est pas impossible que le poète, sachant bien que la légende de Rama existait fort longtemps avant Valmiki, ait voulu nous reporter à un état de cette légende antérieure au Ramayana et restituer au héros populaire de l’Inde son caractère le plus primitif. Un passage important de son poème semble le prouver : c’est celui qui met aux prises un Raksas de Lanka avec l’Hercule indien.

Ce Rakjsas est armé d’une massue, comme celui que Rama combat au troisième volume du Ramayana et qui s’appelle Khara[1]. Mais la massue de Khara est une arme merveilleuse qui brûle tout. Rama lance contre elle les traits de Civa et ces traits la détruisent. Khara arrache des arbres pour s’en faire des massues : avec ses flèches Rama détruit les arbres. Alors seulement il lance contre Khara une flèche à cinq crochets qui l’étend mort. — Dans le poème

français le combat perd son caractère merveilleux et Rama,

  1. Ramayana, 35e chapitre du vol. III: Khara tombe sous les coups de Rama, trad. Fauche, t. IV, p. 208-225.