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En composant un hymne au soleil, Leconte de Lisle nous a transportés à l’origine de la mythologie védique, alors que tant de dieux qui devaient plus tard se distinguer n’étaient encore que des noms ou des aspects différents du même dieu solaire. Son hymne est ainsi un hymne pré-védique, si l’on peut dire. La religion védique y apparaît dans ses premières conceptions.

Et l’œuvre est d’autant plus intelligente qu’en s’attachant à reconstituer la physionomie primitive du dieu dont sont dérivés la plupart des autres, le poète essaye d’expliquer la naissance de ce dieu lui-même. Si son poème n’est, en effet, qu’une description de la journée du soleil, la description est faite de telle façon que le lecteur comprenne aussitôt pourquoi le soleil, aux pieds de l’Himalaya, a été adoré comme un dieu. D’une œuvre ainsi faite on peut dire : ce n’est pas là seulement de la poésie, c’est de la science.

En face de ce premier poème, Leconte de Lisle a placé une prière pour les morts. Les hymnes de ce genre sont-

    Twashtri, le fabricateur ; plus loin Savitri, Kala, Mrityou ; plus loin Indra, Brahma, Vishnou, Roudra, Yama, Varouna, etc. : bref les noms de tous les grands dieux védiques et de tous les grands dieux de l’Inde moderne. Le personnage qui récite cette litanie appelle le soleil « le plus grand des dieux ». Un autre personnage, sur l’avis du précédent, invoque à son tour le soleil et le qualifie d’œil du monde, d’âme de tous les mortels, de matrice de tous les êtres. « Toutes les lumières, dit encore ce personnage, sont renfermées en toi ; tu es le souverain de toutes les lumières ; en toi sont la vérité, l’énergie et tous les sentiments… Tu es le souverain de tous les souverains… etc. » (Maha-Bharata, traduction Fauche, t. III, p. 49-56). À l’époque où cette litanie du soleil a été écrite, on avait donc conscience encore que sous les noms des divers dieux védiques, c’était le soleil qui était invoqué.