Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est adressé est un hymne funèbre de commémoraison. Le mort est invité à assister aux libations. Yama y consent, Yama, le dieu des morts (une des formes d’Agni et du Soleil, lui aussi, car il est le feu éteint, Agni privé de sa flamme, le Soleil de nuit dont la chaleur est morte), dieu servi par deux chiens, en qui le commentateur indigène voit, sans autre malice, des chiens, mais en qui le traducteur français croit reconnaître les deux pièces du mortier des sacrifices (Leconte de Lisle adoptera la version du commentateur indigène, moins probable, mais plus poétique) :


Yama permet que le trépassé descende jouir des libations du matin et du soir.

Arrive [ceci s’adresse au mort] par une heureuse route vers ces deux chiens enfants de Saramâ, aux quatre yeux, au (poil) fauve. Viens avec Yama près de ces Pitris généreux qui font la joie de nos assemblées.

Ces chiens, ô royal Yama, sont à toi ; défenseurs fidèles, ils ont quatre yeux, observent la route et surveillent le sacrifice. Donne-les pour garde à celui (qui vient) ; qu’il soit par toi exempt de maux.

Ces deux messagers d’Yama ont de larges naseaux, une respiration forte, une grande vigueur, ils s’élancent à travers le monde. Qu’ils nous donnent aujourd’hui la vue du Soleil et un souffle fortuné.


C’était ce dernier mot qui méritait d’être recueilli, ce souhait ardent d’une longue existence formé par le vivant qui fait la commémoraison du mort. Leconte de Lisle l’a enchâssé dans une strophe merveilleuse :


Tes deux chiens qui jamais n’ont connu le sommeil,
Dont les larges naseaux suivent le pied des races,