Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/34

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stiner les personnes qui m’interrogeaient, c’est que ce rien, qui d’abord sortait sec et franc de ma bouche, fut ensuite prononcé par moi d’une voix dépitée et tremblante en même temps, et, en dernier lieu, ne s’échappa de mes lèvres qu’avec beaucoup de larmes, et entrecoupé de profonds sanglots. Mes parens me chassèrent donc de leur présence, comme je l’avais bien mérité, et m’enfermant dans ma chambre, m’y laissèrent jouir à mon aise de ce rien tant désiré, et ma grand’mère partit.

1757. Et moi, ce même enfant qui devait refuser avec cette invincible obstination les dons légitimes de sa grand’mère, quelques jours auparavant, j’étais allé lui voler, dans une malle entr’ouverte, un éventail, que j’avais ensuite caché dans mon lit, où il fut retrouvé quelque temps après. Je dis alors, ce qui était vrai, que je l’avais pris pour le donner, plus tard à ma sœur. Ce larcin fut puni, comme il le méritait, d’un sévère châtiment ; mais, quoiqu’il y eût plus de mal à voler qu’à mentir, je ne fus ni menacé ni puni du supplice du réseau. Ma pauvre mère craignait plus de me rendre malade de chagrin que de me voir devenir un peu fripon : défaut qui, à dire le vrai, n’est pas à craindre long-temps ni difficile à déraciner dans un homme que rien ne sollicite à prendre. Le respect des biens d’autrui naît et prospère très-vite chez ceux à qui la fortune en a départi de légitimes.

Et ici, en guise d’anecdote, je raconterai ma première confession spirituelle, que je fis entre