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LIVRE II. — CHAPITRE I.

indépendante ? L’accord, s’il existe, et dans la mesure où il existe, provient-il d’une influence directe exercée par Pyrrhon, ou résulte-t-il d’une simple rencontre ?

Arcésilas a connu et fréquenté Pyrrhon, Numénius[1] le dit en propres termes, et il ne paraît guère possible qu’un philosophe aussi célèbre n’ait exercé sur lui aucune influence. En fait, nous savons que sur deux points au moins l’accord était complet entre Pyrrhon et Arcésilas : l’un et l’autre soutenaient qu’il faut suspendre son jugement ; l’un et l’autre justifiaient l’ἐποχή par cette raison qu’en toute question les arguments pour et contre sont d’égale valeur[2]. Sextus dit qu’Arcésilas est presque pyrrhonien[3]. Timon, Mnaséas, Philomélus l’appelaient aussi un sceptique[4]. Aussi un historien moderne, Haas[5], a-t-il pu considérer la nouvelle Académie comme la continuatrice du pyrrhonisme. Par une sorte de pacte conclu entre les deux écoles, les nouveaux académiciens auraient été chargés expressément de propager l’enseignement sceptique.

Mais contre cette opinion s’élève un fait indéniable : la violente hostilité de Timon contre Arcésilas. Il n’est point de philosophe que l’impitoyable railleur ait plus malmené. Il est vrai, et c’est un point sur lequel Haas ne manque pas d’insister, qu’il paraît s’être réconcilié avec lui sur le tard ; il fit après sa mort son éloge funèbre. Mais on conviendra que ce n’est point là un argument suffisant pour admettre que les deux écoles se soient fondues en une seule.

Il est vrai qu’Arcésilas est quelquefois appelé un sceptique ; mais il semble bien que ce soient ses ennemis qui lui donnent ce nom, et que leur intention soit de lui contester toute originalité. Il n’est pas probable que Timon, qui l’attaque si souvent, ait songé à le revendiquer pour un des siens. S’il l’appelle sceptique,

  1. Euseb., Præp. evang., XIV, v, 12. Cf. vi, 4. Diogène dit seulement (V, 33) : Τὸν Πύρρωνα ϰατά τινας ἐζηλώϰει.
  2. Cic. Ac., I, xii, 46, II, xxiv, 77.
  3. Sext., P., I, 234.
  4. Euseb. loc. cit., vi, 5.
  5. De philos. sceptic. successionibus, p. 21 (Wirceburgi, Stuber, 1876).