différences entre Philon et Carnéade ? Il a pu être un adversaire moins tranchant[1] un interlocuteur plus conciliant ; il était sur le fond d’accord avec ses prédécesseurs immédiats.
Il faut donc écarter la thèse de Hermann. Philon n’a pas été un dogmatiste platonicien. Il a pourtant professé une sorte de dogmatisme : Sextus le déclare formellement, Numénius l’assure, et Cicéron, on va le voir, ne le nie pas. Il a cru à l’existence de la vérité, mais la vérité n’est connue ni par les sens, ni par la raison. Comment donc l’est-elle ? Et que répondait Philon à cette question ?
Il ne répondait rien, et cela par la raison fort simple que, selon lui, la vérité n’est jamais connue avec certitude. Elle existe, elle est peut-être connue, mais nous ne sommes jamais sûrs de la posséder. Il manque toujours le signe infaillible auquel nous la reconnaîtrions[2]. En elles-mêmes (φύσει), les choses peuvent être connues ; elles sont, en ce sens, compréhensibles[3] ; mais, en fait, nous ne pouvons distinguer le vrai du faux. Autre chose[4] est la nature du vrai, autre chose la connaissance. La connaissance, toujours possible, n’est jamais certaine[5].
Une pareille thèse peut nous paraître singulière ; nous sommes habitués à prendre les mots de vérité et de certitude pour synonymes, et nous ne concevons guère que l’une puisse exister sans l’autre. Voici, croyons-nous, comment Philon a été amené à soutenir ce paradoxe.
Après avoir fidèlement suivi la doctrine de Carnéade et de Clitomaque, Philon fut un jour profondément troublé par une
- ↑ Cic., Ac., II, iv, 12.
- ↑ Cic., Ac., II, xxxii, 104.
- ↑ Sext., P., I, 235.
- ↑ Cic., Ac., II, xviii, 58.
- ↑ Cicéron dit à plusieurs reprises (II, xi, 33 ; xxxv, 112) que la définition stoïcienne de la représentation compréhensive peut être acceptée, pourvu qu’on n’ajoute pas : quomodo imprimi non posset a falso ; c’est la pensée de Philon, tout à fait pareille à celle que Sextus (M., VII, 402) attribue à Carnéade. Cf. Euseb. Præp. evang., XIV, vii, 15 : Διαφορὰν δ’ εἶναι ἀδήλου καὶ ἀκαταλήπτου, καὶ πάντα μὲν εἶναι ἀκατάληπτα, οὐ πάντα δὲ ἄδηλα, Cicéron d’ailleurs, dans Lucullus, expose cette théorie comme étant celle de Carnéade.