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LIVRE II. — CHAPITRE VI.

disciples : il voulait être chef d’école, avoir ses disciples qui fussent appelés Antiochiens[1]. Nous n’avons aucune raison de nous associer à ces accusations, dictées peut-être par le dépit : les thèses de Philon n’étaient pas tellement évidentes (et lui-même avait varié) qu’il fût interdit à ses disciples d’en proclamer l’insuffisance et de les abandonner. Cicéron est-il plutôt dans le vrai lorsqu’il dit qu’Antiochus ne pouvait résister aux objections unanimes de tous les philosophes ? Quoi qu’il en soit, à partir de ce moment il se donna une double tâche : réfuter les doctrines de la nouvelle Académie, et en reprenant quelques-unes des idées de l’ancienne, lui opposer un dogmatisme rajeuni.


II. Le réquisitoire d’Antiochus contre les académiciens était certainement la partie principale de son enseignement, son œuvre de prédilection[2]. Il apportait dans la discussion une ardeur extrême, faisant face à ses adversaires sur tous les points, ne négligeant aucun détail, les poursuivant partout avec une verve infatigable, une dialectique souple et animée, et il faut le dire, parfois victorieuse.

Il n’hésitait[3] pas à rendre justice aux qualités de ses anciens maîtres : il reconnaissait qu’ils procédaient avec méthode, divisaient bien les questions, les discutaient à fond. Il ne songeait même pas à leur reprocher, comme sans doute on l’avait fait plus d’une fois, la subtilité de leurs analyses et de leurs définitions : rien de plus digne, à son gré, des véritables philosophes. Il n’estimait pas non plus que le dédain fût une réponse suffisante à une doctrine qui nie la possibilité de la connaissance : hausser les épaules et passer outre, sous prétexte qu’on défend une doctrine aussi claire que le jour, lui paraissait une réfutation insuffisante. Le sujet vaut la peine d’être étudié pour lui-

  1. Cic., Ac., II, xxii, 70 : « … fore ut ei qui se sequerentur, Antiochi vocarentur. »
  2. Cic., Ac., II, vi, 18. Augustin. Cont. academic., II, vi, 15.
  3. Nous empruntons tous les renseignements qui vont suivre au Lucullus de Cicéron, passim.