Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ciens ; ici encore Antiochus n’a pu réunir deux doctrines en réalité fort différentes, qu’en faisant violence à l’une d’elles : nous retrouvons partout le même éclectisme, sans discernement et sans profondeur.

IV. Des deux parties de l’œuvre philosophique d’Antiochus, c’est, ainsi qu’il arrive si souvent, la partie négative ou destructive qui, de beaucoup, lui fait le plus d’honneur. Son dogmatisme ne témoigne d’aucune originalité. Il se borne à répéter, sans les approfondir, les assertions des stoïciens : il lui suffit de les atténuer quelquefois, et d’adoucir quelques paradoxes insoutenables. S’il invoque la grande autorité de Platon et d’Aristote, c’est presque toujours à contresens : il altère et affaiblit leur doctrine, pour la mettre d’accord avec celle des stoïciens, et cet accord est lui-même de pure apparence.

En revanche, sa critique de la nouvelle Académie ne manque ni de finesse ni de force. Du moins on peut dire que les adversaires du probabilisme n’ont jamais trouvé d’autres arguments que les siens.

Toutefois, la critique d’Antiochus serait bien plus décisive si, à Carnéade et à Philon, il opposait autre chose que le dogmatisme sensualiste des stoïciens. Antiochus a peut-être raison ; mais il ne donne pas de bonnes raisons. Très fort dans l’attaque, il devient très faible lorsqu’il s’agit de substituer une thèse positive à la thèse sceptique qu’il combat. L’objection des académiciens contre la représentation compréhensive, si nous ne nous trompons, subsiste tout entière. Que répondre à cet argument de Carnéade : si, comme le soutiennent les stoïciens, la représentation compréhensive correspond exactement à son objet, deux objets différents doivent provoquer des représentations spécifiquement distinctes. Or, l’expérience prouve qu’il n’en est rien : à chaque instant, des objets différents provoquent des représentations identiques. C’était là le nœud de la difficulté : Antiochus a eu au moins le mérite de le comprendre, car il consacrait des journées entières à la discussion de ce point. Mais ses argu-