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LIVRE II. — CHAPITRE VI.

Lucullus, Brutus[1] ; à Alexandrie, son frère Aristus[2], Ariston et Dion[3], finalement Arius Didymus, bien d’autres encore dont nous n’avons plus à nous occuper, puisqu’ils n’appartiennent plus à la nouvelle Académie.

Ainsi, le stoïcisme s’établit définitivement sur les ruines de l’Académie. Il est vrai que c’est à la suite d’un compromis, signé par Antiochus, qui réconcilie Zénon et Platon. La paix a été conclue aux dépens de Philon, et l’Académie a acheté son unité en rejetant hors de son sein cette tradition idéaliste et sceptique qu’elle avait si longtemps essayé de concilier avec les exigences de la morale et de la vie pratique. Cette tradition était pourtant authentiquement platonicienne ; et c’est une question de savoir si l’Académie a plus gagné que perdu en se dépouillant d’un élément, embarrassant il est vrai, mais qui avait sa valeur et sa dignité, et en tous cas tenait étroitement à ce qu’il y avait de meilleur dans le platonisme et l’aristotélisme. Au point de vue moral, sans aucun doute, Platon et Aristote sont plus près de Zénon que de Carnéade et de Philon. (Encore eussent-ils souscrit aux paradoxes stoïciens ?) C’est ce qui explique et justifie en un sens la victoire d’Antiochus. Mais jamais Platon et Aristote n’eussent admis le sensualisme étroit des stoïciens : c’est à condition de faire silence sur ce point, cependant capital, d’oublier quelques-unes de leurs croyances les plus chères, qu’on a pu les réconcilier avec les disciples de Zénon. C’est en sacrifiant l’idéalisme au sensualisme et à une sorte de matérialisme, qu’Antiochus a fait triompher la morale stoïcienne. Il est vrai que les éclectiques, qui adoucissaient tout, ont pu adoucir la rigueur stoïcienne, en même temps qu’ils tempéraient jusqu’à le supprimer l’idéalisme platonicien. C’est par des concessions réciproques que se font les compromis. Mais ce n’est pas par des compromis que se fait la philosophie.

Si donc il faut juger l’entreprise d’Antiochus, on se trouve

  1. Cic., Brut., xcvii, 332. Ac., II, iii, 12. Fin., V, iii, 8. Tusc., V, viii, 21.
  2. Cic., Ac., II, iv, 12 ; I, iii, 12, etc.
  3. Cic., Ac., II, iv, 12.