Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
LIVRE III. — CHAPITRE II.

Dans l’analyse de l’œuvre d’Ænésidème, qui nous a été conservée par Photius[1], il est dit que de son temps l’Académie était devenue presque stoïcienne. Or, Sextus[2] parlant d’Antiochus s’exprime à peu près dans les mêmes termes, si bien qu’on peut se demander si les deux écrivains n’avaient pas sous les yeux, où ne se rappelaient pas le même texte d’un philosophe plus ancien, peut-être d’Ænésidème lui-même.

En outre, Photius nous apprend que le livre d’Ænésidème, intitulé Πυῤῥώνειοι λόγοι, était dédié à un Romain illustre, L. Tubéron[3]. Si l’on songe que Cicéron[4] parle à plusieurs reprises de Tubéron comme d’un ami des lettres et de la philosophie, distingué à la fois par les qualités de son esprit et par l’éclat des dignités dont il a été revêtu, 1l est naturel de croire que ce Tubéron est précisément celui à qui Ænésidème a dédié son livre.

La force de ces raisons ne nous paraît pas sérieusement affaiblie par les objections de Zeller. La plus grave de ces objections est que Cicéron non seulement ne parle pas d’Ænésidème, mais encore, à maintes reprises, déclare que le pyrrhonisme est une doctrine morte[5]. Comment croire que Cicéron, toujours si bien informé et si curieux, ait ignoré l’existence d’un philosophe tel qu’Ænésidème ? Comment admettre surtout qu’il ait été indifférent à une doctrine si voisine de celle de l’Académie, et qu’il n’ait rien su de la rupture qui se faisait sous les auspices de son ami Tubéron entre un académicien (Ænésidème avait commencé par en être un) et le reste de l’école ?

  1. Myriob. cod., 219 : Οἱ δὲ ἀπὸ τῆς Ἀκαδημίας, φησί, μάλιστα τῆς νῦν, καὶ Στωϊκαῖς συμφέρονται ἐνίοτε δόξαις, καὶ εἰ χρὴ τἀληθὲς εἰπεῖν, Στωϊκοὶ φαίνονται μαχόμενοι Στωϊκοῖς.
  2. P., I, 235 : Ἀλλὰ καὶ ὁ Ἀντίοχος τὴν Στοὰν μετήγαγεν εἰς τὴν Ἀκαδημίαν, ὡς καὶ εἰρῆσθαι ἐπ’ αὐτῷ, ὅτι ἐν Ἀκαδημίᾳ φιλοσοφεῖ τὰ Στωϊκά.
  3. Phot. l. c. : Γράφει δὲ τοὺς λόγους Αἰνησίδημος προσφώνων αὐτοὺς τῶν ἐξ Ἀκαδημίας τινὶ συναιρεσιώτῃ Λουκίῳ Τυβέρωνι, γένος μὲν Ῥωμαίῳ, δόξῃ δὲ λαμπρῷ ἐκ προγόνων καὶ πολιτικὰς ἀρχὰς οὐ τὰς τυχούσας μετιόντι.
  4. Ad Quint. frat. Ep., I, 1, 3, 10. Cf. Pro Ligar., vii, 21 ; ix, 27.
  5. Fin., II, xi, 39 : « Pyrrho, Aristo, Herillus, jamdiu abjecti. » Ibid., xiii, 43 ; V, viii, 23. De orat., III, xvii, 62. De offic., I, ii, 6. Tuscul., V, xxx, 85.