Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
ÆNÉSIDÈME.

Toutefois, il n’est pas impossible de lever la difficulté. D’abord, on l’a vu plus haut, quand Cicéron parle de Pyrrhon, c’est toujours et uniquement le moraliste qu’il a en vue : la doctrine qui n’a plus de représentants est celle de l’indifférence, et non le scepticisme, tel que l’entendait Ænésidème. En outre, Cicéron ne connaissait guère les doctrines philosophiques que par l’intermédiaire de ses maîtres, les philosophes de la nouvelle Académie. On comprend qu’ils aient mis peu d’empressement à propager une doctrine nouvelle, particulièrement dirigée contre eux. Il est possible enfin que Cicéron ait entendu parler de l’enseignement d’Ænésidème, mais trop peu pour le bien connaître, ou qu’il n’ait pas daigné le discuter. C’est du moins ce que semble indiquer un passage des Académiques[1], où Cicéron fait allusion, sans y attacher d’importance, à une doctrine qui paraît bien être le scepticisme radical d’Ænésidème.

Zeller, pour refuser de voir en Ænésidème un contemporain de Cicéron, est obligé de supposer que le Tubéron à qui Ænésidème a dédié son livre a été un neveu ou un descendant de l’ami de Cicéron. Mais cette hypothèse est peu vraisemblable. Il résulte du texte de Photius que Tubéron n’était pas seulement connu dans les lettres : c’était un homme politique[2], et cette désignation, qui convient très bien à l’ami de Cicéron, ne paraît s’appliquer à aucun autre personnage du même nom.

Reste enfin le texte de Photius, qui présente avec celui de Sextus de telles analogies qu’on ne peut guère douter qu’il provienne d’une même source. Zeller pense qu’Antiochus n’est pas le seul académicien qui ait pu mériter le reproche qu’Ænésidème adresse à l’Académie de son temps. Mais un examen attentif du texte de Photius montre qu’il ne s’agit pas d’Antiochus, ni d’aucun philosophe de son école. Nous y voyons en effet que les académiciens dogmatisent sur beaucoup de points, et ne résistent aux stoïciens que sur la question de la représentation com-

  1. II, x, 32 : « Illos, qui omnia sic incerta dicunt, ut stellarum par an impar sit, quasi desperatos aliquos relinquamus. »
  2. καὶ πολιτικὰς ἀρχὰς οὐ τὰς τυχούσας μετιόντι.