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ÆNÉSIDÈME. — SON SCEPTICISME.

CHAPITRE III.

ÆNÉSIDÈME. — SON SCEPTICISME.


Dans la doctrine d’Ænésidème, on peut distinguer deux parties. D’abord le philosophe résume et classe, sous le nom de tropes, les arguments que lui avaient légués les anciens sceptiques : par là, il démontre que les sens ne peuvent nous donner aucune certitude. Puis il entreprend de prouver que la raison n’a pas plus de succès, et sa démonstration porte sur trois points principaux : la vérité, les causes, les signes ou preuves. C’est cette dernière partie qui est son œuvre originale et personnelle : c’est le nouveau scepticisme.

I. Plusieurs historiens pensent que les dix tropes, connus depuis longtemps, étaient le bien commun de l’école sceptique[1]. Mais Zeller[2] soutient, avec raison selon nous, que si le fond de ces arguments, plusieurs des exemples qui y sont invoqués, et l’expression même de tropes[3] n’ont rien de nouveau, c’est Ænésidème qui le premier les mit en ordre, les énuméra avec une certaine méthode, leur donna, en un mot, la forme qu’ils ont gardée. Pour avoir été exposés dans les Πυῤρώνειοι λόγοι, ces arguments ne doivent pas plus être attribués à Pyrrhon qu’on ne fait honneur à Socrate de toutes les théories présentées par Platon sous son nom. Et si Diogène cite les dix tropes dans la vie de Pyrrhon, c’est qu’il a l’habitude de dire, à propos du père d’une doctrine, tout ce que ses disciples ont pensé : la vie de Zénon renferme les idées de tous les stoïciens. C’est expres-

  1. Saisset, op. cit., p. 78.
  2. Op. cit., p. 24, 5.
  3. Gell., N. A., XI, v, 5. — Cf. Zeller, t. IV, p. 846 (3e Auflage).