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ÆNÉSIDÈME. — SON SCEPTICISME.

brûlent, les Péoniens les jettent dans les marais. Les Perses permettent aux fils d’épouser leurs mères ; les Égyptiens, aux frères d’épouser leurs sœurs ; la loi grecque le défend. Que de différences entre les diverses religions, entre les opinions des philosophes, entre les récits des poètes ! On peut donc dire ce que les hommes ont pensé sur tel ou tel point, ce qui leur a paru vrai, non ce qui est vrai.


Ces dix tropes, on le voit, se succèdent, sauf les quatre premiers, sans grand ordre. Il n’y a pas lieu de s’en étonner : ce n’est pas méthodiquement ni a priori, mais empiriquement et en accumulant des observations, qu’ils ont été déterminés. On aurait mauvaise grâce à exiger ici un ordre plus rigoureux que celui qu’on trouve dans les catégories d’Aristote, jetées, elles aussi, les unes après les autres, sans aucun lien qui les réunisse[1].

Toutefois, il est aisé de s’apercevoir que les sceptiques attachaient une certaine importance à l’ordre de leurs tropes. Nous en avons la preuve dans cette expression de Sextus[2] : χρώμεθα τῇ τάξει ταύτῃ θετικῶς ; et à diverses reprises il insiste[3] sur l’ordre auquel il s’astreint. Il prend même la peine de simplifier sa liste et remarque[4] que les dix tropes peuvent se ramener à trois : le premier porte sur celui qui juge, le sujet (il comprend les quatre premiers de la liste) ; le second porte sur l’objet (il comprend le septième et le dixième) ; le troisième porte sur le sujet et l’objet (ce sont les cinquième, sixième, huitième et neuvième). On peut dire aussi, ajoute Sextus, que tous les tropes se ramènent à un seul : celui de la relation[5] ; il est le

  1. Il n’y a pas lieu, d’ailleurs, de chercher un rapport plus étroit entre les tropes d’Ænésidème et les catégories d’Aristote, comme le fait Pappenheim.
  2. P., I, 38.
  3. P., I, 141.
  4. P., I, 39.
  5. Il semble qu’en s’exprimant ainsi, Sextus fasse allusion à la classification adoptée par Diogène et qui place au dernier rang le trope de la relation. Nous ne croyons pas, avec Hirzel, qui a d’ailleurs écrit sur cette question des pages excellentes (op. cit., p. 115), que Sextus n’ait pas connu une autre liste que celle