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LIVRE III. — CHAPITRE IV.

CHAPITRE IV.

ÆNÉSIDÈME. — SES RAPPORTS AVEC L’HÉRACLITÉISME.


Il faut maintenant tourner la médaille. Nous venons de voir un Ænésidème ennemi déclaré de tout dogmatisme, et sceptique à souhait : voici un Ænésidème ouvertement dogmatique, et les renseignements qui nous le montrent sous ce nouvel aspect sont pris aux mêmes sources, ont une égale autorité. Ænésidème se rallie à l’école d’Héraclite : il a une opinion sur l’essence des choses, et sur beaucoup de questions fort débattues. Comment expliquer cette métamorphose ? C’est le problème le plus embarrassant que présente l’histoire d’Ænésidème. Les historiens, fort en peine, ont imaginé plusieurs solutions ; aucune n’est pleinement satisfaisante. L’histoire de la pensée d’Ænésidème est comme son système, qui oppose les contraires, et leur incompatibilité est telle, que peut-être le mieux serait d’appliquer la maxime sceptique, et de retenir son jugement.

I. Établissons d’abord les preuves de son adhésion à l’héraclitéisme.

À plusieurs reprises Sextus, indiquant des opinions communes à Héraclite et à Ænésidème, emploie l’expression : Αἰνησίδημος κατὰ Ἡράκλειτον[1].

Avec plus de précision encore, il dit qu’Ænésidème[2] considérait le scepticisme comme un acheminement vers la doctrine

  1. M. VII, 349 ; IX, 337 ; X, 216, 233.
  2. P., I, 210 : Ἐπεὶ δὲ οἱ περὶ τὸν Αἱνησίδημον ἔλεγον ὁδὸν εἶναι τὴν σκεπτικὴν ἀγωγὴν ἐπὶ τὴν Ἡρακλείτειον φιλοσοφίαν, διότι προηγεῖται τοῦ τἀναντία περὶ τὸ αὐτὸ ὑπαρχειν τὸ τἀναντία περὶ τὸ αὐτὸ φαίνεσθαι · καί οἱ μὲν σκεπτικοὶ φαίνεσθαι λέγουσι τὰ ἐναντὶα περὶ τὸ αὐτὸ, οἱ δὲ Ἡρακλείτειοι ἀπὸ τούτου καὶ ἐπὶ τὸ ὑπάρχειν αὐτὰ μετέρχονται..