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L’EMPIRISME. — PARTIE CONSTRUCTIVE.

traitera de la même manière la diarrhée et la dysenterie ; enfin d’après la ressemblance des remèdes. Il faut avoir soin seulement, quand on veut substituer un remède à un autre, de tenir compte des différences en même temps que des ressemblances. L’expérience montre en effet que les ressemblances de forme, de couleur, de dureté, de mollesse, assurent rarement la ressemblance des effets. Il en est autrement des ressemblances d’odeur et de saveur, surtout si ces deux derniers caractères sont réunis.

Ici encore, Ménodote a perfectionné la théorie empirique. Le passage du semblable au semblable était aussi admis par les dogmatiques, mais dans un tout autre esprit. Les dogmatiques prétendaient tirer leurs conclusions de la nature intime du fait observé ; ils se flattaient d’atteindre l’essence des choses et d’arriver à la vérité par la seule force du raisonnement. Ils se fondaient, comme nous dirions aujourd’hui, sur des principes a priori. Suivant les empiriques[1] l’induction (car c’est bien l’induction que les anciens appellent passage du semblable au semblable) ne repose sur aucun principe logique. Elle ne suppose ni[2] que le semblable doive produire le semblable, ni que le semblable réclame le semblable, ni que les semblables se comportent semblablement. Seule, l’expérience nous a appris que, dans des cas semblables, des remèdes semblables ont réussi. Et, pour bien marquer cette différence, que Ménodote n’a pas inventée, mais sur laquelle il insiste plus que personne, il veut que les empiriques se distinguent des dogmatiques, même dans les mots : le raisonnement qui permet de passer du semblable au semblable s’appellera non pas, comme le veulent les dogma-

  1. Galien, Therap. meth., 7. Kuhn, vol. X, p. 126 : Εὑρίσκεται μὲν κἀκ τῆς πείρας το ἀκόλουθον, ἀλλ’οὐκ ὡς ἐμφαινόμενον τῷ ἡγουμένῳ· καὶ διὰ τοῦτο τῶν ἐμπειρικῶν οὐδεὶς ἐμφαίνεσθαί φησι τῷδέ τινι τόδε τι· καίτοι γε ἀκολουθεῖν λέγουσι τόδε τῷδε καὶ προηγεῖσθαι τόδε τοῦδε καὶ συνυπάρχειν τόδε τῷδε, καὶ ὅλως ἅπασαν τὴν τέχνην τήρησίν τε καὶ μνήμην φασὶν εἶναι τοῦ τί σὺν τίνι, καὶ τί πρὸ τίνος καὶ τί μετὰ τίνος πλλάκις ἑώραται. Τὸν τοίνυν ἐξ αὐτῆς τῆς τοῦ πράγματος φύσεως ὁρμώμενον ἐξευρίσκειν τὸ ἀκόλουθον ἄνευ τῆς πείρας ἐνδείξεις καὶ εὕρεσίν ἐστι πεποιῆσθαι. Cf. De opt. sect. K., I, 149.
  2. Subfig., 54.