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L’EMPIRISME. — PARTIE CONSTRUCTIVE.

Telle est, dans ses traits essentiels, la méthode des médecins empiriques. Il serait intéressant de savoir s’ils l’ont découverte ou empruntée, et à quelle époque ces idées se sont introduites dans la philosophie grecque. Sur ce point, nous ne pouvons nous flatter d’arriver à des conclusions certaines ; il est possible, du moins, de réunir quelques probabilités.

La secte empirique fut fondée, suivant Celse[1], par Sérapion d’Alexandrie, qui vécut au milieu du IIIe siècle avant J.-C., et, suivant Galien[2], par Philinus de Cos (contemporain de Ptolémée Lagos, (323-283). En tout cas, vers 280-250, l’école était formée.

Le médecin Glaucias[3], dans un livre intitulé le Trépied, exposa les trois procédés de l’expérience que nous avons décrits ci-dessus (αὐτοψία, ἱστορία, ἡ τοῦ ὁμοίου μετάβασις).

D’autre part, nous savons que les épicuriens avaient adopté une méthode tout à fait analogue : nous en avons la preuve dans ce qui nous a été conservé de Zénon l’Épicurien, contemporain et maître de Cicéron, dans le livre de Philodème Περὶ Σημείων καὶ σημειώσεων, retrouvé à Herculanum. Selon Épicure, ni les sens tout seuls, quoique leurs données ne soient point fausses, ni la démonstration, ne nous permettent d’arriver à la vérité. Mais les sens fournissent les premiers matériaux indispensables de la science ; la mémoire réunit les faits et prépare l’anticipation (πρόληψις) ; vient alors le raisonnement (λόγισμος), nécessaire avec les données des sens pour atteindre la réalité (par exemple dans la preuve de l’existence du vide). Zénon, modifiant la doctrine d’Épicure[4], ajouta le passage du semblable au semblable (expression qu’il emprunta vraisemblablement aux empiriques)[5] ; cette opération permet, suivant lui, de connaître, d’après les propriétés communes des choses visibles, la nature

  1. Medic. proœm.
  2. Subfig. emp., 35. Cf. Pseud-Galen., Kuhn, vol. XIV, p. 683.
  3. Subfig. emp., 63.
  4. Phitippson, De Philodemi libro qui est Π. σημείων καὶ σημειώσεων, p. 29, 33. Berlin, Buchdruckerei-Actien-Gesellschaft, 1881.
  5. Ibid., p. 42, 56.