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LE PYRRHONISME ET LA NOUVELLE ACADÉMIE.

ancienne. C’est la première fois peut-être qu’on découvre un essai d’analyse de l’entendement.

C’est probablement par suite des mêmes études que Carnéade et les académiciens ont été amenés à examiner la question du libre arbitre, et à combattre le déterminisme stoïcien. Nous avons malheureusement trop peu de renseignements sur la manière dont les nouveaux académiciens résolvaient cette question, intéressante entre toutes. Il est à noter au moins que les sceptiques ne s’en préoccupent pas. Ils semblent admettre, il est vrai, avec presque tous leurs contemporains, que notre assentiment à une représentation quelconque dépend de nous, mais nulle part, dans les trois grands ouvrages de Sextus, la question n’est discutée pour elle-même, comme elle l’a été certainement par Carnéade.


En résumé, le pyrrhonisme et la nouvelle Académie ont une grande ressemblance, puisque l’un et l’autre combattent le dogmatisme, et, par la force des choses, sont souvent amenés à employer les mêmes arguments. Mais les deux écoles mènent la même campagne de deux manières différentes, et l’histoire ne doit pas les confondre. Le pyrrhonisme aspire à ruiner toute démonstration et toute dialectique : la nouvelle Académie vit de démonstration et de dialectique. Le pyrrhonisme est une doctrine radicale : c’est le pur phénoménisme en logique, c’est l’abstention et le renoncement en morale. La nouvelle Académie est une doctrine de juste milieu : elle remplace la science par une sorte d’équivalent ; elle donne en morale des préceptes de conduite, et assigne un but à la vie humaine. Enfin les nouveaux académiciens sont des psychologues : ils ont sinon l’idée, du moins le pressentiment que c’est par une analyse de l’entendement que doit commencer la philosophie.

Il est toujours dangereux de comparer les doctrines anciennes aux modernes : trop de raisons s’opposent à ce que de telles assimilations puissent jamais être entièrement exactes ; et elles ont pour l’ordinaire plus d’inconvénients que d’avantages. Pourtant,