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LIVRE I. — CHAPITRE I.

qui a le premier signalé cette difficulté, fait remarquer en outre que partout où Sextus cite Ænésidème, il le met en compagnie de Pyrrhon et de Timon[1]. Diogène[2] et Aristoclès[3] nomment aussi Ænésidème en même temps que les deux fondateurs du scepticisme. Il faut donc faire commencer le nouveau scepticisme, non avec Ænésidème, mais avec l’auteur des cinq tropes, que nous savons être Agrippa.

Cependant, en faveur de la division ordinairement adoptée, on peut invoquer d’assez bonnes raisons. D’abord, d’après un témoignage formel, celui d’Aristoclès[4], Ænésidème renouvela le scepticisme qui avait, pendant un temps assez long, subi une éclipse. En outre, si on considère le contenu même des doctrines, il est impossible de ne pas reconnaître une grande différence entre Ænésidème et ses devanciers. Chez Pyrrhon et Timon on trouve peut-être déjà (c’est un point controversé) les dix tropes ; ils ne paraissent pourtant pas les avoir classés et énumérés méthodiquement. Mais surtout, nous ne rencontrons chez eux rien de pareil à la critique de l’idée de cause et de la démonstration qu’a entreprise Ænésidème. Il y a là, si nous ne nous trompons, un élément tout à fait nouveau, d’une importance capitale, et qui a exercé une grande influence sur le développement ultérieur du scepticisme. Les successeurs d’Ænésidème, y compris Sextus, reproduisent les raisons d’Ænésidème ; et, alors même qu’ils apportent de nouveaux arguments, il est aisé de voir qu’ils lui empruntent sa méthode, et appliquent les mêmes procédés de discussion à d’autres notions qu’Ænésidème n’avait peut-être pas songé à discuter. Haas[5] nous semble très injuste à l’égard d’Ænésidème quand il lui refuse toute originalité, déclare que c’est un philosophe médiocre et sans génie, qu’il n’a pas eu de disciples et n’a pas fait époque dans l’histoire

  1. P., I, 180, 210, 222 ; III, 138 ; M., VII, 345, 349, etc.
  2. Diog., IX, 102.
  3. Ap. Euseb., Præp. ev., XIV, xviii, 16.
  4. Ap. Euseb., Præp. ev., XIV, xviii, 29. … Αἰνησιδήμός τις ἀναζωπυρεῖν ἤρξατο τὸν ὕθλον τοῦτον.
  5. Op. cit., p. 43.