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LIVRE I. — CHAPITRE II.

était lui-même le disciple de ce Métrodore de Chio, disciple de Démocrite, et qui disait[1] : « Nous ne pouvons rien savoir, pas même si nous savons quelque chose ou rien. » Enfin, Diogène Laërce, qui probablement reproduit l’opinion de l’alexandrin Sotion[2], range Pyrrhon parmi les philosophes de l’école italique, et le place à la suite d’Anaxarque, de Protagoras, de Démocrite, qu’il rattache lui-même à l’école d’Élée.

On peut être d’autant plus tenté de faire dériver le pyrrhonisme de Démocrite, que Démocrite lui-même a souvent employé des formules sceptiques. Mais nous avons vu plus haut[3] ce qu’il faut penser du prétendu scepticisme de Démocrite. Il est possible que Pyrrhon ait été particulièrement frappé des arguments par lesquels Démocrite récusait le témoignage des sens : mais comme des idées analogues se retrouvaient chez bien d’autres philosophes, il n’y a point là de raison suffisante pour affirmer un lien de parenté plus étroit entre le pyrrhonisme et l’école de Démocrite. Tous les philosophes de cette école ont pu exprimer des doutes, comme Métrodore, avoir des boutades sceptiques : on n’est pas pour cela en droit de les ranger ni parmi les sceptiques, ni parmi les ancêtres du scepticisme. Autrement, il faudrait en faire autant pour Socrate, qui a dit à peu près les mêmes choses.

Quant au témoignage de Sotion, la classification étrange dont cet historien s’est contenté ôte toute autorité à ses paroles : nous n’avons pas à en tenir compte.

Enfin les relations de Pyrrhon avec Anaxarque n’impliquent nullement que le second ait partagé les idées du premier. Entre l’austère Pyrrhon, et celui qui fut un des plus vils flatteurs d’Alexandre, il y a des différences de caractère assez notables

  1. Aristoc. ap. Euseb., Præp. evang., XIV, xix, 8. Cf. Sext., M., VII, 88 ; Diog., IX, 58. Cic., Ac., II, xxiii, 73.
  2. Sur les sources auxquelles a puisé Diogène, voir : Nietzsche, De Diog. Laert. fontibus, Rhein. Mus. 1868 ; Bahnach, Quæstionum de Diog. Laert. fontibus initis, Gambinæ, 1868, diss. inaug. ; Rœper, Philologus, t. III, p. 22, 1848 ; Victor Egger, De fontibus Diogenis Laertii, Bordeaux, Gounouilhou, 1881.
  3. Voir p. 9.