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LIVRE I. — CHAPITRE II.

avec la morale, du moins il ne désespère pas d’atteindre une vérité universelle et absolue. Socrate est plein d’ardeur et de confiance ; Pyrrhon est un désabusé, et c’est en fin de compte dans une sorte de routine, fondée sur la coutume et la tradition, qu’il trouve le bonheur. Pyrrhon a eu peut-être des vertus personnelles qui permettent de le comparer à Socrate ; mais entre la force d’âme telle que la conçoit Socrate, et l’indifférence pyrrhonienne, il y a un large intervalle : entre la piété du maître de Platon, et celle du grand prêtre d’Élis, il y a toute la distance qui sépare une foi éclairée et vaillante d’un empirisme vulgaire.

En résumé, la philosophie de Pyrrhon ne dérive véritablement d’aucune philosophie antérieure : c’est une doctrine originale. L’éducation de Pyrrhon, ses voyages, surtout ses relations, en Asie, avec les gymnosophistes, l’avaient préparé à se désintéresser de toutes choses. Le spectacle des discordes des philosophes et les événements politiques dont il fut le témoin achevèrent de le détacher de toute croyance. Il a pu se rencontrer alors sur quelques points avec ses prédécesseurs ; c’est une simple coïncidence. Sa doctrine est un premier commencement : elle apporte une idée nouvelle, une nouvelle manière de résoudre les problèmes philosophiques.