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PYRRHON.

pagne d’Asie. Vraisemblablement le premier lui enseigna la dialectique subtile qui fut tant en honneur dans l’école de Mégare et qui aboutissait naturellement à une sorte de scepticisme sophistique. L’autre l’initia à la doctrine de Démocrite, pour laquelle il conserva toujours un goût très vif et qui paraît avoir exercé sur sa pensée une grande influence[1].

En compagnie d’Anaxarque, Pyrrhon suivit Alexandre en Asie. Il composa une pièce de vers dédiée au conquérant et qui lui valut un présent de 10.000 pièces d’or[2]. Il connut les gymnosophistes, les mages indiens, et probablement ce Calanus[3] qui accompagna quelque temps Alexandre et donna aux Grecs étonnés le spectacle d’une mort volontaire si fièrement et si courageusement supportée. On peut croire que ces événements firent sur l’esprit de Pyrrhon une profonde impression et déterminèrent au moins en partie le cours que ses idées devaient prendre plus tard.

Après la mort d’Alexandre, Pyrrhon revint dans sa patrie ; il y mena une vie simple et régulière, entouré de l’estime et de la considération de ses concitoyens, qui le nommèrent grand prêtre et, après sa mort, lui élevèrent une statue qu’on voyait encore au temps de Pausanias[4]. Il mourut vers 275.

Sauf la poésie dédiée à Alexandre, Pyrrhon n’a rien écrit ; sa doctrine n’a été connue des anciens que par le témoignage de ses disciples, et particulièrement de Timon.

    ἐκ τούτου δὲ τοῦ διδασκάλου ὁ Πύρρων γέγονεν. On pourrait à la rigueur rapporter ἐκ τούτου διδασκάλου à Phédon ; mais ce passage unique ne semble pas suffisant pour compter ni Phédon ni Ménédème parmi les maîtres de Pyrrhon.

  1. Diog., IX, 67. — Hirzel (Untersuch. zu Cicero’s philos. Schriften, Bd III, p. 3 et seq., Leipzig, Hirzel, 1883) insiste avec raison sur cette influence de Démocrite sur Pyrrhon. Il est certain que Timon (Diog., IX, 40) parle de Démocrite avec des égards qu’il n’a pas pour les autres philosophes, pas même pour ceux de Mégare. Toutefois, on verra par la suite de ce travail que, suivant nous, l'influence de Démocrite, si grande qu’elle soit, n’a pas été la plus décisive. — Il n’y a pas lieu d’insister sur l’emploi par Démocrite de l’expression οὐ μᾶλλον ; Sextus montre (P., I, 213) qu’il l’entendait tout autrement que Pyrrhon.
  2. Diog., IX, 61. — Sextus, M., I, 282. — Plut., De Alex. fortit., I, 10.
  3. Plut., Vit. Alex., 69.
  4. Diog., IX, 65. — Paus., VI, 24, 4.