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TIMON DE PHLIONTE.

désolant d’avoir été trop longtemps égaré et d’être arrivé à la vieillesse, sans avoir atteint la vraie sagesse : « Car de quelque côté que se tournât mon esprit, je voyais que toutes choses se réduisaient à un seul et même être[1]. » Mais c’est là une assertion trop précise : et si Timon lui sait gré d’avoir combattu les fables d’Homère, il ne le trouve pas encore tout à fait exempt de la morgue dogmatique (ὑπάτυφος).

Démocrite est un des premiers écrivains qu’il ait lus[2], et il admire fort sa sagacité[3] et son aversion pour les discours équivoques et vides. Il parle aussi en termes favorables de Protagoras[4], et il raconte comment, après avoir écrit son livre sur les dieux, il dut prendre la fuite pour ne pas subir le sort de Socrate.

Il serait intéressant de trouver dans les fragments des indications sur les formules dont se servaient Pyrrhon ou Timon, et sur le degré d’élaboration dialectique que le scepticisme avait atteint de leur temps. Malheureusement les quelques vers détachés qui nous sont parvenus ne jettent pas grande lumière sur ces points. Partout Timon s’attache uniquement à la partie négative du scepticisme ; il raille les philosophes ou ceux qui les écoutent ; il nous présente par exemple un jeune homme qui se lamente d’avoir perdu son temps et son argent à suivre les leçons des philosophes » et se trouve réduit à la misère, sans avoir rien gagné du côté de l’esprit[5]). Les termes tels que ἐποχή, οὐδὲν μᾶλλον, si usités dans la suite, n’y paraissent pas

  1. Mullach, 39-37.
  2. Ibid., 15.
  3. Au lieu de

    Οἶον Δημόϰριτόν τε περίφρονα, ποίμενα μύθων,
    ἀμφίνοον λέσχηνα μετὰ πρώτοισιν ἀνεγνων

    (Mullach, 15-16), Nietzsche propose de lire :

    οἶον Δημόϰριτόν τε περίφρονα, πήμονα μύθων
    ἀμφιλόγον λέσχῶν τε, μετὰ πρώτοισιν ἀνεγνων
    .

    (Gratulationschrift des Pœdag, zu Basel, Basel, 1870, p. 21-22).
  4. Mullach, 45-53.
  5. Ibid., 97, 104.