Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/116

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cher de demander à mon patron, pourquoi, lui, que j’avais toujours vu prendre de bons gîtes, choisissait un aussi mauvais coucher ? Il me répondit que dans toutes les villes où se trouvait une maison de Romanichels, on était tenu d’y loger, sous peine d’être considéré comme faux frère, et puni comme tel par le conseil de la tribu. Les femmes, les enfants, partagèrent du reste eux-mêmes cette couche militaire ; et le sommeil qui s’empara bientôt d’eux annonçait qu’elle leur était familière.

Au point du jour, tout le monde fut debout ; il se fit une toilette générale. Sans leurs traits prononcés, sans ces cheveux noirs comme le jais, sans cette peau huileuse et cuivrée, j’aurais eu peine à reconnaître mes compagnons de la veille. Les hommes, vêtus en riches maquignons hollandais, avaient pour ceinture des sacoches de cuir, comme en portent les habitués du marché de Poissy. Les femmes, couvertes de bijoux d’or et d’argent, prenaient le costume des paysannes de la Zélande. Les enfants mêmes, que j’avais trouvés couverts de haillons, étaient proprement habillés, et se composaient une nouvelle physionomie. Tous sortirent bientôt de la maison, et prirent des