Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/236

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qu’il parlait, c’était à qui s’empresserait pour faire sa cour : Bonjour, M. Viez ; bonjour, M. Thierry, s’écriait-on de toutes parts. Ces saluts étaient même répétés par des prisonniers qui n’avaient jamais vu ni Viez, ni Thierry, mais qui, en se donnant un air de connaissance, espéraient se les rendre favorables. Il était difficile que le capitaine, c’était Viez, ne s’enivrât pas un peu de ces hommages : cependant comme il était habitué à de pareils honneurs, il ne perdait pas la tête, et il reconnaissait parfaitement les siens. Il aperçut Desfosseux : « Ah ! ah ! dit-il, voilà un ferlampier (condamné habile à couper ses fers), qui a déjà voyagé avec nous. Il m’est revenu que tu as manqué d’être fauché (guillotiné) à Douai, mon garçon. Tu as bien fait de manquer, mordieu ! car, vois-tu, il vaut encore mieux retourner au pré (bagne), que le taule (bourreau) ne joue au panier avec notre sorbonne (tête). Au surplus, mes enfants, que tout le monde soit calme, et l’on aura le bœuf avec du persil. » Le capitaine ne faisait que commencer son inspection, il la continua en adressant d’aussi aimables plaisanteries à toute sa marchandise, c’était de ce nom qu’il appelait les condamnés.