Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bour-, je feignis une indisposition : on le mit en couple avec un autre pour aller à la fatigue, et lorsque je fus rétabli, on m’appareilla avec un pauvre diable condamné à huit ans pour avoir volé des poules dans un presbytère.

Celui-ci conservait du moins quelque énergie. La première fois que nous nous trouvâmes seuls sur le banc, il me dit : « Écoute, camarade, tu ne m’as pas l’air de vouloir manger longtemps du pain de la nation… Sois franc avec moi… tu n’y perdras rien… » J’avouai que j’avais l’intention de m’évader à la première occasion. « Eh bien ! me dit-il, si j’ai un conseil à te donner, c’est de valser avant que ces rhinocéros d’argousins ne connaissent ta coloquinte (figure) ; mais ce n’est pas tout que de vouloir ;… as-tu des philippes (écus) ? » Je répondis que j’avais quelque argent dans mon étui ; alors il me dit qu’il se procurerait facilement des habits près d’un condamné à la double chaîne, mais que pour détourner les soupçons, il fallait que j’achetasse un ménage, comme un homme qui se propose de faire paisiblement son temps. Ce ménage consiste en deux gamelles de bois, un petit tonneau pour le vin, des patarasses (espèce de bourrelets, pour empêcher le froissement