Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/296

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pipes en attendant l’heure du coucher. Très abattu par les agitations et les fatigues de la journée, je témoignai le désir de me retirer. « Nous n’avons point de lit à vous donner, dit le maître de la maison, qui, ayant été marin, parlait assez bien français : vous coucherez avec mes deux filles… » Je lui fis observer qu’allant en pénitence, je devais coucher sur la paille ; j’ajoutai que je me contenterais d’un coin de l’étable. « Oh ! reprit-il, en couchant avec Jeanne et Madelon, vous ne romprez pas votre vœu, car leur lit n’est composé que de paille… Vous ne pouvez pas d’ailleurs avoir place dans l’étable… Il s’y trouve déjà un chaudronnier et deux semestriers qui ont demandé à y passer la nuit. » Je n’avais plus rien à dire : trop heureux d’éviter la rencontre des soldats, je gagnai le boudoir de ces demoiselles. C’était un bouge rempli de pommes à cidre, de fromages et de lard fumé ; dans un coin, juchaient une douzaine de poules, et plus bas on avait parqué huit lapins. L’ameublement se composait d’une cruche ébréchée, d’une escabelle vermoulue et d’un fragment de miroir ; le lit, comme tous ceux de ce pays, était tout simplement un coffre en forme de bière, à demi