Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/34

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utile ; ils me donnèrent à dîner, et me félicitèrent d’avoir osé m’affranchir du joug despotique de Garnier, qu’ils appelaient le cornac. « Puisque tu es devenu ton maître, me dit le mari, il faut venir avec nous, tu nous seconderas ; au moins, quand nous serons trois il n’y aura plus d’entre-actes, tu me tendras les acteurs pendant qu’Élisa fera la manche ; le public, tenu en haleine, ne filera pas, et la recette en sera plus abondante. Qu’en dis-tu, Élisa ? » Élisa répondit à son mari qu’il ferait à cet égard tout ce qu’il voudrait, qu’au surplus elle était de son avis, et en même temps elle laissa tomber sur moi un regard qui me prouva qu’elle n’était pas fâchée de la proposition, et que nous nous entendrions à merveille. J’acceptai avec reconnaissance le nouvel emploi qui m’était offert, et, à la prochaine représentation, je fus installé à mon poste. La condition était infiniment meilleure qu’auprès de Garnier. Élisa, qui, malgré ma maigreur, avait découvert que je n’étais pas si mal bâti que mal habillé, me faisait en secret mille agaceries auxquelles je répondais ; au bout de trois jours, elle m’avoua que j’étais sa passion, et je ne fus pas ingrat : nous étions heureux, nous ne nous quittions plus. Au logis, nous ne fai-