Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/42

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ajoutait à ces libéralités, mon père me faisait une haute-paie, et je trouvais encore le moyen de m’endetter ; aussi je faisais réellement figure, et ne sentais presque pas le poids de la discipline. Une seule fois, je fus condamné à quinze jours de prison, parce que j’avais manqué à trois appels. Je subissais ma peine dans un cachot creusé sous un des bastions, lorsqu’un de mes amis et compatriotes y fut enfermé avec moi. Soldat dans le même régiment, il était accusé d’avoir commis plusieurs vols, et il en avait fait l’aveu. À peine fûmes-nous ensemble, qu’il me raconta le motif de sa détention. Nul doute, le régiment allait l’abandonner ; cette idée, jointe à la crainte de déshonorer sa famille, le jetait dans le désespoir. Je le pris en pitié, et ne voyant aucun remède à une situation si déplorable, je lui conseillai de se dérober au supplice, ou par une évasion ou par un suicide ; il consentit d’abord à tenter l’une avant d’essayer de l’autre ; et, avec un jeune homme du dehors, qui venait me visiter, je me hâtai de tout disposer pour sa fuite. À minuit, deux barreaux de fer sont brisés ; nous conduisons le prisonnier sur le rempart, et là je lui dis : « Allons ! il faut sauter ou être pendu. Il calcule la hauteur,