Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/126

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Châtillon, où je rentrai plus mort que vif. Dès ce moment, je fus en proie à cette tristesse apathique qui absorbe toutes les facultés ; alors j’obtins une exemption de service ; nuit et jour je restais couché sur le ventre, indifférent à tout ce qui se passait autour de moi, et je crois que je serais encore dans cette position, si, par une nuit d’hiver, les Anglais ne se fussent avisés de vouloir incendier la flottille. Une fatigue inconcevable, quoique je ne fisse rien, m’avait conduit à un pénible sommeil. Tout à coup je suis réveillé en sursaut par une détonation ; je me lève, et, à travers les carreaux d’une petite fenêtre, j’aperçois mille feux qui se croisent dans les airs. Ici ce sont des traînées immenses comme l’arc-en-ciel ; ailleurs des étoiles qui semblent bondir en rugissant : l’idée qui me vint d’abord fut celle d’un feu d’artifice. Cependant un bruit pareil à celui des torrents qui se précipitent en cascades du haut des rochers, me causa une sorte de frémissement ; par intervalles, les ténèbres faisaient place à cette lumière rougeâtre, qui doit être le jour des enfers ; la terre était comme embrasée. J’étais déjà agité par la