Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/151

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voulu secourir ! le reflux les avait apportés sans vie sur la terre étrangère, où nous devions leur donner la sépulture : c’étaient peut-être deux amants. Je fus touché de leur sort, mais d’autres soins m’arrachèrent à mes regrets. Toute la population du village, femmes, enfants, vieillards, était accourue sur la côte. Les familles de cent cinquante pêcheurs se livraient au désespoir, à la vue de frêles embarcations que foudroyaient six vaisseaux de ligne anglais, dont les masses solides affrontaient la mer en courroux. Chaque spectateur, avec une anxiété qu’il est plus aisé de concevoir que de décrire, ne suivait des yeux que la barque à laquelle il s’intéressait, et, selon qu’elle était submergée ou se trouvait hors de péril, c’étaient des cris, des pleurs, des lamentations, ou des transports d’une joie extravagante. Des femmes, des filles, des mères, des épouses, s’arrachaient les cheveux, déchiraient leurs vêtements, se roulaient par terre, en vomissant des imprécations et des blasphèmes ; d’autres, sans croire insulter à tant de douleur, et sans songer à remercier le ciel, vers lequel l’instant d’auparavant elles levaient des mains suppliantes, dansaient, chantaient, et le visage encore inondé de pleurs, manifestaient