Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/155

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calme, il était plus qu’évident qu’aucun navire ne se montrerait : la nuit venue, je supprimai donc les sentinelles, permettant ainsi aux soldats du poste que je commandais de goûter les douceurs du lit de camp jusqu’au lendemain. Je veillais pour eux, ou plutôt je ne dormais pas, parce que je n’avais pas besoin de sommeil, lorsque sur les trois heures du matin, quelques mots que je reconnais pour de l’anglais, frappent mon oreille, en même temps que l’on heurte à la porte placée au bas de l’escalier qui conduit à la batterie. Je crus que nous étions surpris : aussitôt j’éveille tout le monde ; je fais charger les armes, et déjà je m’apprête à vendre chèrement ma vie quand, à travers la porte, j’entends la voix et les gémissements d’une femme qui implore notre assistance. Bientôt je distingue clairement ces paroles françaises : Ouvrez, nous sommes des naufragés. – J’hésite un moment ; cependant, après avoir pris mes précautions, pour immoler le premier qui se présenterait avec des intentions hostiles, j’ouvre, et je vois entrer une femme, un enfant et cinq matelots, qui étaient plus morts que vifs. Mon premier soin fut de les faire réchauffer ; ils étaient mouillés jusqu’aux os, et transis de froid. Mes canonniers