Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/181

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parti de M. Bertrand, non qu’il l’exigeât, mais je sentais la nécessité de le ménager : alors c’était un jour entier consacré à la ribote, et malgré moi je dérogeais à mes projets de réforme.

À l’aide de la supposition d’un oncle sénateur, dont la succession, disait-il, lui était assurée, mon ancien collègue du bagne menait une vie fort agréable ; le crédit dont il jouissait en sa qualité de fils de famille était en quelque sorte illimité. Point de richard boulonnais qui ne tînt à honneur d’attirer chez lui un personnage d’une si haute distinction. Les papas les plus ambitieux ne souhaitaient rien tant que de l’avoir pour gendre, et parmi les demoiselles, c’était à qui réussirait à fixer son choix ; aussi avait-il le privilège de puiser à volonté dans la bourse des uns, et de tout obtenir de la complaisance des autres. Il avait un train de colonel, des chiens, des chevaux, des domestiques : il affectait le ton et les manières d’un grand seigneur, et possédait au suprême degré l’art de jeter de la poudre aux yeux et de se faire valoir. C’était au point que les officiers eux-mêmes, qui d’ordinaire sont si bêtement jaloux des prérogatives de l’épaulette, trouvaient très naturel qu’il les éclipsât. Ailleurs qu’à Boulogne, cet aventurier