Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/183

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fromage, il me dit : – Sais-tu que je t’admire ; vivre en ermite à la campagne, se mettre à la portion congrue, et n’avoir pour tout potage que vingt-deux sous par jour, je ne conçois pas que l’on puisse se condamner à des privations pareilles ; quant à moi, j’aimerais mieux mourir. Mais tu fais tes chopins (coups à la sourdine), et tu n’es pas sans avoir quelque ressource. – Je lui répondis que ma solde me suffisait, que d’ailleurs j’étais nourri, habillé, et que je ne manquais de rien. – À la bonne heure, reprit-il ; cependant il y a ici des grinchisseurs, et tu as sans doute entendu parler de l’armée de la Lune ; il faut te faire affilier ; si tu veux, je t’assignerai un arrondissement : tu exploiteras les environs de Saint-Léonard.

J’étais instruit que l’armée de la Lune était une association de malfaiteurs, dont les chefs s’étaient jusque-là dérobés aux investigations de la police. Ces brigands, qui avaient organisé l’assassinat et le vol dans un rayon de plus de dix lieues, appartenaient à tous les régiments. La nuit, ils rôdaient dans les camps ou s’embusquaient sur les routes, faisant de fausses rondes et de fausses patrouilles, et arrêtant quiconque