Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/189

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tout à coup il s’interrompait au milieu de son jeu, jetait les cartes, se frappait le front avec les poings, faisait cinq ou six sauts, en se démenant comme un possédé, puis finissait par se jeter sur son grabat, où, couché sur le ventre, il restait des heures entières dans l’abattement. L’hôpital était la maison de plaisance de Lelièvre, et s’il s’ennuyait par trop, il allait y chercher les consolations de sœur Alexandrine, qui avait toutes les dévotions du cœur, et sympathisait avec toutes les infortunes. Cette fille si compatissante s’intéressait vivement au prisonnier, et il le méritait, car Lelièvre n’était point un criminel, mais une victime, et l’arrêt porté contre lui était l’effet injuste de cette conviction trop souvent imposée aux conseils de guerre, que, dût périr l’innocent, quand il y a urgence à réprimer certains désordres, la conscience et l’humanité des juges doivent se taire devant la nécessité de faire un exemple. Lelièvre était du très petit nombre de ces hommes qui, bronzés contre le vice, peuvent sans danger pour leur moralité rester en contact avec ce qu’il y a de plus impur. Il s’acquittait des fonctions de prévôt avec autant d’équité que s’il eût été revêtu d’une magistrature réelle ; jamais il ne rançonnait