Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/196

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ainsi qu’eux, fait partie de l’armée de la Lune ; on lui attribuait d’étranges facultés : au dire des soldats, il avait la puissance de se rendre invisible ; il se métamorphosait aussi comme il lui plaisait, et avait en outre le don de l’omniprésence ; enfin c’était un sorcier, et tout cela parce qu’il était bossu ad libitum, facétieux, caustique, grand conteur, et qu’ayant escamoté sur les places, il exécutait assez adroitement quelques tours de gibecière. Avec de tels pensionnaires, peu de geôliers n’eussent pas pris des précautions extraordinaires ; le nôtre ne nous considérait que comme d’excellentes pratiques, il fraternisait avec nous. Puisque, moyennant salaire, il pourvoyait à tous nos besoins, il ne pouvait pas se figurer que nous voulussions le quitter, et jusqu’à un certain point il avait raison ; car Lelièvre et Christiern n’avaient pas la moindre envie de s’évader ; Orsino était résigné ; les marins de la garde ne se doutaient pas même que l’on pût leur faire un mauvais parti, le sorcier comptait sur l’insuffisance de preuves, et les corsaires, toujours en goguette, n’engendraient pas la mélancolie. J’étais le seul à nourrir des projets ; mais, justement pour ne pas me laisser pénétrer, j’affectais d’être sans souci, si