Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/8

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argent que je laissai voir à dessein acheva de les intéresser à mon sort. Il fut convenu que je passerais pour le fils du maître des voitures qui composaient le convoi. En conséquence, on m’affubla d’une blouse ; et comme j’étais censé faire mon premier voyage, on me décora de rubans et de bouquets, joyeux insignes qui, dans chaque auberge, me valurent les félicitations de tout le monde.

Nouveau Jean de Paris, je m’acquittai assez bien de mon rôle ; mais les largesses nécessaires pour le soutenir convenablement portèrent à ma bourse de si rudes atteintes, qu’en arrivant à la Guillotière, où je me séparai de mes gens, il me restait en tout vingt-huit sous. Avec de si minces ressources, il n’y avait pas à songer aux hôtels de la place des Terreaux. Après avoir erré quelque temps dans les rues sales et noires de la seconde ville de France, je remarquai, rue des Quatre-Chapeaux, une espèce de taverne, où je pensais que l’on pourrait me servir un souper proportionné à l’état de mes finances. Je ne m’étais pas trompé ; le souper fut médiocre, et trop tôt terminé. Rester sur son appétit est déjà un désagrément ; ne savoir où trouver un gîte en est un autre. Quand j’eus essuyé mon