Page:Vidocq - Mémoires - Tome 3.djvu/109

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croirait que tu morfiles (mords) dans de la crignole (viande).

» Eh ! mon dieu, tout ce qui passe par la gargoine (bouche) emplit le beauge (ventre).

» — Je sais bien, je sais bien ».

Les bouchées se succédaient avec une prodigieuse rapidité ; je ne faisais que tordre et avaler ; je ne conçois pas comment je n’en fus pas étouffé, mon estomac n’avait jamais été plus complaisant. Enfin je suis venu à bout de ma ration : ce repas terminé, mon camarade m’offre une chique, et me parle en ces termes :

« Foi d’ami, et comme je m’appelle Masson, qui est le nom de mon père et du sien, je t’ai toujours regardé comme un bon enfant ; je sais que t’as eu de grands malheurs, on me l’a dit, mais le diable n’est pas toujours à la porte d’un pauvre homme, et si tu veux, je puis te faire gagner quelque chose.

— » Ça ne serait pas sans faute, car je suis panné, dieu merci ! ni peu ni trop.

— » Mais assez… Je le vois, je le vois (il regarde mes habits, qui sont passablement déguenillés) ; ça s’aperçoit que pour le quart-d’heure tu n’es pas heureux.