Page:Vidocq - Mémoires - Tome 3.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à leur captivité, et que l’on délivrerait sur le champ des feuilles de route à tous ceux qui demanderaient à prendre du service dans les bataillons coloniaux. Aussitôt il y eut une foule d’enrôlés volontaires. Tous étaient persuadés qu’on les laisserait rejoindre librement ; on le leur avait promis : mais quelle ne fut pas leur surprise quand la gendarmerie vint s’emparer d’eux pour les traîner de brigade en brigade jusqu’à leur destination ? Dès lors les prisonniers ne durent plus être très empressés d’endosser l’uniforme ; le préfet, s’apercevant que leur zèle s’était tout à coup refroidi, prescrivit au geôlier de les solliciter de s’engager et, s’ils refusaient, ce singulier recruteur avait ordre de les y contraindre à force de mauvais traitements. On peut être sûr qu’un geôlier, en pareil cas, fait toujours plus qu’on n’exige de lui. Celui de Bicêtre sollicitait non seulement les prisonniers valides, mais encore ceux qui ne l’étaient pas ; point d’infirmité, quelque grave qu’elle fût, qui pût être à ses yeux un motif d’exemption : tout lui convenait, les bossus, les borgnes, les boiteux, et jusqu’aux vieillards. En vain réclamaient-ils : le préfet avait décidé qu’ils seraient soldats, et, bon gré, mal gré, on les transportait dans les îles