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ALFRED DE VIONY

nuits. Sensible à la gloire, peu curieux du bruit, plus soucieux de l’avenir que du présent, et sachant ce que la postérité conserve des montagnes de volumes que chaque génération lui apporte, il avait fait le tri lui-même en ce qui le touchait. Il a brûlé ainsi toute une suite à Stello, où il craignait de s’être laissé emporter trop loin dans la démonstration de son idée. Il restera pourtant de ces veilles un volume de poésies encore inédites, remplies de beautés du premier ordre et qui ravivera bientôt, pour ce qui reste de public ami du grand art, l’admiration et les regrets.

» La seule fois qu’Alfred de Vigny sortit de sa retraite avec quelque bruit n’était pas faite pour l’encourager et lui laissa au cœur une assez vive amertume. En 1845, il avait été reçu à l’Académie française. Alors (les temps sont changés !), les immortels en voulurent un peu au poëte qui oubliait dans son discours le compliment de la fin pour le roi. M. Molé, qui se souvenait sans doute aussi de quelques traits de Stello, aussi dédaigneux pour les politiques que les politiques peuvent l’être pour les poëtes, fit du fauteuil une véritable sellette où l’auteur de Servitude et de Cinq-Mars fut immolé à coups d’épingle.

Quelques années ou deux révolutions plus tard, c’était