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JOURNAL D’UN POÈTE


1832


mémoires et journal. — Les importunités des biographes qui, bon gré, mal gré, veulent savoir et imprimer ma vie et ne cessent de m’écrire pour avoir des détails que je me garde de leur donner ; la crainte du mensonge, que je hais partout, celle surtout de la calomnie ; le désir de n’être pas posé comme un personnage héroïque ou romanesque, aux yeux du peu de gens qui s’occuperont de moi après moi : voilà ce qui me fait prendre la résolution d’écrire mes mémoires.[1]

J’irai de ma naissance à cette année, puis je commencerai un journal qui ira jusqu’à ce que la main qui tient cette plume cesse d’avoir la puissance d’écrire.

Je suis né à Loches, petite ville de Touraine, jolie, dit-on ; je ne l’ai jamais vue. À deux ans, on m’apporta à

  1. Ces mémoires, malheureusement, sont restés à l’état de projet. L’idée d’un journal a seule été réalisée en quelque façon par le poëte, et c’est de ce journal, journal de sa pensée plutôt encore que de sa vie, qu’on a ici des fragments. (L. R)